#3 Notre individualisme

Tu n'es pas seul ... tu fais partie d'un groupe social : celui des hommes.

Héraclès
4 min ⋅ 29/12/2022

Ça nous irrite quand les femmes, et les féministes en particulier, nous ramènent en permanence à notre appartenance au groupe des hommes. Ça nous énerve parce que nous nous voulons différents des autres et parce que nous refusons d’assumer les exactions de nos congénères. Nous trouvons intolérable que nos comportements individuels soient typiques d’un groupe auquel nous refusons de nous identifier.

Cet individualisme nous permet de nier que le sexisme est un système généralisé.

Il nous permet aussi de prendre de la distance avec “les autres hommes” : les violeurs, les violents, les brutes, … et aussi de prendre des distances avec notre histoire : la longue histoire des hommes qui oppressent les femmes depuis la nuit des temps.

C'est parce que nous avons appris à nous considérer comme des individus plutôt que comme faisant partie d’un groupe social.

Personnellement, j’ai éprouvé exactement la même irritation, je ne supportais pas que les féministes me mettent dans le même sac que les autres. Et puis, au fur et à mesure que j’avançais dans ma découverte du sexisme, j’ai commencé à me confronter à d’autres hommes. Et je me suis rendu compte que TOUS nous réagissons de la même manière, avec la même colère, avec les mêmes arguments pourris, la même arrogance, la même ignorance du problème et le même manque cruel d’empathie.

C’est triste de le découvrir, mais nos opinions sur le féminisme, quand nous le découvrons, sont toujours les mêmes.

Nos réticences sont toutes les mêmes. Je n’ai jamais croisé un gars qui sorte du lot dans ce domaine et en retrouvant d’anciens échanges par messagerie que j’ai eu avec des femmes militantes il y a quelques années, j’étais exactement pareil.

Alors, sache-le, si tu engages un débat avec une personne compétente sur les sujets de sexisme alors que toi tu démarres tout juste, 100% des arguments que tu vas utiliser dans le débat ont déjà été brandis par des centaines de gars et ils sont éculés depuis des années.

Et depuis plusieurs années que je milite sur les réseaux sociaux, je vois toujours les même boulets qui débarquent avec leurs arguments moisis et qui ont l'impression d'avoir inventé la poudre. C'est souvent décourageant. (dans une prochaine newsletter, je te ferai la liste complète des arguments pourris qu'on entend et qu'on lit partout)

Si tu tiens à ne pas passer pour un type pénible et arrogant, fais attention à ça. Ecoute et renseigne toi avant de rentrer dans le débat.

Tu n'y peux rien mais tu représentes une menace.

Tu connais les statistiques des violences faites aux femmes ? 1 femme sur 8 a été violée au cours de sa vie. 1 femme sur 3 a été victime de harcèlement. Dans plus de 95% des cas, les auteurs de ces violences sont des hommes.

Quand tu interagis avec une femme, la probabilité pour qu'elle ait été victime de violences de la part d'un homme ne sont pas nulles.

Ne l'oublies jamais, même si tu n'y es pour rien...

Tu as le sentiment de "payer pour les autres" et tu peux le vivre comme une injustice (et en vrai, tu as raison, c'est injuste) mais avant d'en éprouver de la colère :

  • pense aux injustices que subissent les femmes (discriminations, harcèlement, agressions, viols, féminicides);

  • évalue leur préjudice;

  • compare-le à cette injustice que tu subis;

  • évalue ton préjudice;

  • ravale ta colère.

C'est une autre de nos traits communs, à nous les hommes : on est très prompts à dramatiser la réalité de l'inconfort que nous procure les combats féministes et les prises de parole des femmes militantes. On en oublie vite le sens des réalités, la profondeur des drames qu'elles dénoncent et la relative insignifiance de nos réactions épidermiques et souvent dénuées d'empathie.

Notre identité d'homme nous apporte de nombreux privilèges...

...et nous en profitons tous.

Apprenons à rester dignes et discrets quand il s'agit, parfois, d'en payer le prix, surtout quand celui-ci est dérisoire.

Photo de Matheus Ferrero sur Unsplash

Tu as des questions ? écris-moi ici : heraclesfightspatriarchy@gmail.com

Héraclès

Héraclès

Par Sébastien Garcin

Cinquantenaire, parisien, bien éduqué, dirigeant d’entreprise, marié, en bonne santé, issu d’une famille aimante et aisée : j’ai longtemps vécu avec le sentiment d’avoir une chance insolente. C’est vrai, mais ce n’est pas une chance, c’est un privilège : une pyramide de privilèges. J’en ai pris conscience progressivement ces dernières années, à la faveur de lectures, de rencontres et d’introspections. J’ai travaillé à comprendre ces privilèges et à comprendre comment, sans le savoir, instinctivement, je les protégeais. Et puis, #metoo est arrivé. Ce n'est pas cette vague qui m'a surpris, c'est le silence des hommes qui m'a déçu et leurs prises de paroles consternantes qui m'ont énervé parce que je me suis rendu compte à quel point ce sont les femmes qui se tapent tout le boulot pendant que nous les mecs, on les critique. Dans toutes les grands victoires du féminisme, les hommes ont été au mieux des spectateur passifs, au pire des adversaires très virulents. J'ai découvert que les hommes ont un rôle à prendre dans la révolution féministe, un rôle nouveau et inédit : le rôle d'allié. J'ai essuyé les plâtres et je peux le dire maintenant : ça marche. Depuis que j'ai endossé ce rôle, je sais de source sûre que je change les choses autour de moi. J'ai appris à ne plus faire partie du problème et j'ai la fierté de faire, à mon échelle, partie de la solution. Depuis, je milite pour promouvoir ce rôle d'allié. Je recrute des hommes pour qu'ils s'éduquent et pour qu'ils se déclarent ouvertement alliés des femmes dans la lutte pour une égalité réelle.