#8 Nos bonnes intentions

Ce malentendu qui nous rend sourd.

Héraclès
5 min ⋅ 05/03/2023

Beaucoup d’entre nous l’ont vécu, et moi le premier : quand on s’exprime sur le sujet du sexisme ou de l’égalité, on se fait parfois rembarrer par les personnes concernées, et ce n’est pas agréable.

Nous ressentons généralement un douloureux sentiment d’injustice et, souvent, notre principale défense et de protester que nos intentions sont bonnes.

C’est là que se cache un énorme malentendu : on croit que le sexisme repose sur une intention de nuire alors que c’est rarement le cas.

Oui, il existe des machistes assumés ou des misogynes qui professent le mépris des femmes ou encore des masculinistes dangereux qui peuvent même virer au terrorrisme, mais ils sont peu nombreux, fort heureusement.

En fait, la plupart d’entre nous n’avons aucune intention de nuire aux femmes et nous pensons donc que nous sommes exonérés du sexisme ou bien de comportements oppressifs.

Il n’en est rien !

  1. On peut être pétri de bonnes intentions et profondément sexiste car nous n’avons pas remis en cause nos schémas patriarcaux.
    (On a tous rencontrés ces hommes qui expriment un sincère respect pour “la femme” à condition qu’elle respecte strictement les régles de la “féminité”, les mêmes hommes investissent souvent avec beaucoup de sérieux ce qu’on leur a appris comme étant la masculinité. Ils sont bienveillants, rarement méchants et super sexistes.)

  2. On peut avoir dépassé ce stade, croire s’être débarrassé du sexisme mais avoir quand même des propos ou des comportements sexistes.

  3. On peut être à la fois sexiste et bienveillant.

La galanterie.
La galanterie, telle qu’elle a été précisément codifiée jusqu’au milieu du siècle dernier, est un sexisme bienveillant. C’est un ensemble de comportements qui maintiennent les femmes dans le rôle des personnes fragiles qu’il faut protéger et les hommes dans celui des personnes solides qui doivent protéger. On voit que c’est un système qui tend à prolonger les mécaniques de domination, mais qui est pourtant fondamentalement bienveillant.
Est-ce à dire qu’il faut cesser d’être galant ?
Personnellement, j’ai toujours adoré la galanterie, mais j’ai appris à l’exercer envers tous et toutes, et particulièrement vis à vis des personnes agées, quelque soit leur genre car elles ont indéniablement besoin d’être protégées.

Donc, toi qui me lis, nulle doute que tes intentions sont pures. Mais il nous est tous arrivé de blesser quelqu’un sans le souhaiter. Dans ces cas-là, celui qui blesse a une responsabilité parce qu'il a manqué de considération. Au lieu de se réfugier derrière ses bonnes intentions, et à plus forte raison si elles étaient sincères, il faut savoir se remettre en question, assumer ses responsabilités et présenter ses excuses.

Se prévaloir de ses bonnes intentions, c'est du même niveau que l'enfant qui s'exonère d'une bêtise au prétexte qu'il ne l'a "pas fait exprès", la bêtise n'en est pas moins faite pour autant, et les gens ne vont pas se "déblesser" au prétexte que ça n'est pas l'effet qu'on a cherché à produire.

Nos bonnes intentions ne nous empêchent pas d'être maladroits.

Ne pas chercher à nuire n’est pas un totem d’immunité.

Quand on représente une catégorie dominante (les hommes), et quand on commence à remettre en question ce modèle de domination (la patriarcat), on n’est jamais à l’abri de commettre des impairs, de faire des faux pas.

Ce n’est pas grave, à condition qu’on apprenne à se remettre en question, et vite.

Mais ce n’est pas facile. Les hommes qui prennent des positions favorables dans la lutte contre les inégalités sont encore rares. Résultats, on est souvent félicités et adulés, comme un enfant qui fait ses premiers pas. On s’habitue vite à être accueilli en sauveur et quand on tombe sur des personnes engagées et formées aux luttes féministes, ce n’est pas toujours le cas, et ça pique.

Ca m’est arrivé plusieurs fois et j’ai eu la chance d’avoir en face de moi des personnes patientes qui ont pris le temps de m’expliquer en quoi je me trompais.

Dans ces moments, notre nature “d’homme qui sait tout” reprend vite le dessus. On a beaucoup de difficultés à reconnaître qu’on a dit un truc sexiste, blessant ou oppressif.

On aimerait être félicité pour notre démarche et on se prend des tapes sur la tête.

  • la tentation de se plaindre n’est jamais loin;

  • la tentation de prendre à témoin les femmes de notre entourage pour qu’elles certifient qu’on est gentil n’est jamais loin;

  • la tentation d’exposer nos médailles de gars féministe n’est jamais loin;

  • les possibilités de passer pour un allié pas vraiment prêt à se remettre sincèrement en question sont nombreuses;

Tout ceci doit t’allumer des alertes oranges : c’est le signe que tu as encore des représentations sociales à remettre en question et que tu ferais mieux d’écouter ce que les personnes concernées ont à te dire.

Tu rangeras tes bonnes intentions dans ta poche, tu lècheras plus tard les blessures de ton ego blessé et tu te réjouiras d’avoir pu faire un pas de plus dans le démontage de tes préjugés.

N’oublie pas que ces blessures d’orgueil ne sont que de petits bobos, comparés aux difficultés quotidiennes auxquelles de nombreuses femmes sont confrontées tous les jours à cause du système sexiste dans lequel nous, les hommes, nageons comme des poissons dans l’eau.

Tu as des questions ? tu veux râler ?

  • heraclesfightspatriarchy@gmail.com

D'ici là, si tu penses qu'autour de toi des hommes peuvent "sortir du bois" et qu'ils ont juste besoin d'un coup de pouce, encouragez les à s'inscrire.

Héraclès

Héraclès

Par Sébastien Garcin

Cinquantenaire, parisien, bien éduqué, dirigeant d’entreprise, marié, en bonne santé, issu d’une famille aimante et aisée : j’ai longtemps vécu avec le sentiment d’avoir une chance insolente. C’est vrai, mais ce n’est pas une chance, c’est un privilège : une pyramide de privilèges. J’en ai pris conscience progressivement ces dernières années, à la faveur de lectures, de rencontres et d’introspections. J’ai travaillé à comprendre ces privilèges et à comprendre comment, sans le savoir, instinctivement, je les protégeais. Et puis, #metoo est arrivé. Ce n'est pas cette vague qui m'a surpris, c'est le silence des hommes qui m'a déçu et leurs prises de paroles consternantes qui m'ont énervé parce que je me suis rendu compte à quel point ce sont les femmes qui se tapent tout le boulot pendant que nous les mecs, on les critique. Dans toutes les grands victoires du féminisme, les hommes ont été au mieux des spectateur passifs, au pire des adversaires très virulents. J'ai découvert que les hommes ont un rôle à prendre dans la révolution féministe, un rôle nouveau et inédit : le rôle d'allié. J'ai essuyé les plâtres et je peux le dire maintenant : ça marche. Depuis que j'ai endossé ce rôle, je sais de source sûre que je change les choses autour de moi. J'ai appris à ne plus faire partie du problème et j'ai la fierté de faire, à mon échelle, partie de la solution. Depuis, je milite pour promouvoir ce rôle d'allié. Je recrute des hommes pour qu'ils s'éduquent et pour qu'ils se déclarent ouvertement alliés des femmes dans la lutte pour une égalité réelle.